• Les enchantées du grand chêne

    On les appelle "encantelas", les "enchantées". Ce sont les sorcières du Roussillon. Elles ressemblent à des fées ; mais, à la différence de leurs cousines, elles ne sont jamais "bonnes". Tous leurs sortilèges sont cruels et leurs cadeaux perfides.

    Entre Prades et l'Ille-sur-Têt, il est un chêne robuste, plusieurs fois séculaire, qui couvre la route de son ombre bleu-vert. De ses bras noueux, il protège les humains génération après génération. Nul ne sait jusqu'où s'enfoncent les racines de ce colosse.

    Qui pourrait dire à quel siècle ou à quel roi remonte sa légende ?

    En ce temps là, les encantalas règnent sur le Roussillon. Elles tiennent leurs pouvoirs du diable. Elles torturent leurs victimes. Elles répandent mille maux sur la contrée. Aux douze coups de minuit, elles se réunissent au fond du "gorch" d'En-Gourné, le gouffre le plus profond de la vallée de la Têt.

    Elles tiennent conseil, puis partent en campagne sous la conduite de trois soeurs. 

    Elles se placent en embuscade dans les branches. Le bruissement des feuilles s'apparente alors à un sanglot. Lorsqu'un paysan passe sous la ramée, pour se reposer, pour lier un fagot ou en menant ses cochons, les encantalas lui sauvent dessus et en prennent possession. Le malheureux tombe malade, devient fou, rit à en mourir, jure, vole, perpètre un crime...

    Un jour, l'un des chênes où les mauvaises fées s'embusquent en a assez de cette méchanceté. C'est le plus jeune et le plus frêle de la forêt. Il s'indigne et s'adresse à ses semblables : "Nous ne pouvons plus, dit-il, nous rendre complices de ces sorcières. Notre devoir consiste à les chasser !".

    Des murmures désapprobateurs accueillent la sortie du jeunot. Un vieux chêne lui répond : "Ne nous apitoyons pas trop sur le sort des humains. Non seulement les porchers nous dépouillent de nos glands, mais de maudits bûcherons nous tuent à coups de hache pour nous brûler dans la cheminée".

    - "Vous êtes égoïstes : j'agirai seul" s'écrie le jeune arbre.

    Avec courage, celui -ci interdit aux encantelas de se dissimuler dans son feuillage. Voyant qu'on peut résister aux sorcières, d'autres chênes rallient son combat. Les mauvaises fées n'ont plus la cachette pour agresser les hommes. Elles enragent, puis s'enfuient vers le mont Canigou, où on les rencontre encore dans des grottes, au fond des vallées sauvages.

    Un rossignol philomèle (peut-être une bonne fée dissimulée sous les plumes du volatile) demande au chêne courageux quelle récompense il désire. "J'ai toujours rêvé, dit-il, de vivre très vieux et d'avoir des feuilles d'or". 

    - "Ces voeux seront exaucés !" répond l'oiseau.

    Le jeune arbre devient le vigoureux vieillard que nous connaissons. Depuis lors, en automne, tous les chênes se peignent d'un jaune féérique. Et les humains les considèrent comme leurs meilleurs amis végétaux.

    CHENE


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