• Certains sites minéraux introduisent le voyageur dans un autre monde. Ce sont des passages vers des régions du mystère ou des temples d'ailleurs.

    Dans les Vosges, la Porte de Pierre fait partie de ces entrées secrètes. Cet arc de triomphe de grès rose ressemble à un monument édifié par un magicien de la montagne pour initier le voyageur à des rites secrets. On songe à une civilisation oubliée... On devient le héros d'une quête.

    Haut d'une dizaine de mètres, ce portique naturel paraît appartenir à un temple égyptien, inca ou aztèque. On pourrait y voir une trouée à travers les trois murailles de la cité perdue de l'Atlantide.

    Le géologue avance des hypothèses : la roche, la pluie, la neige, le gel et le vent jouent un rôle. 

    Il était une fois, dans la contrée, un grand seigneur qui possède un superbe château. Une bâtisse cyclopéenne. La porte d'entrée de l'édifice impressionne : les deux piliers sont hauts comme des sapins et larges comme des maisons. 

    Un jeune paysan, nommé Louis, fils d'un pauvre métayer, ne rêve que de richesse et de pouvoir. Il contemple le château du puissant seigneur avec envie. Il aimerait avoir le même ; en plus grand. Un jour qu'il ramasse du bois dans la forêt, non loin du rocher de Mutzig, il voit approcher un être à la bouche rouge, aux jambes velues, avec des sabots et des cornes de bouc.

    "Je te bâtis en une seule nuit le château dont tu rêves" dit la créature. "Je n'exige, en retour, que ce qui ne pèse rien en toi, et quitte ton corps sans que tu t'en aperçoive". "Tope là !" dit le garçon ; ce qui ne pèse rien, c'est l'air que j'inhale, et qui part de mes poumons lorsque j'expire".

    Le diable se met au travail pendant la nuit. Au matin, au sommet de la montagne de Mutzig, se dresse un château admirable et austère, dont les murs semblent des falaises et dont le donjon gratte les nuages. Le jeune homme en prend possession. Le diable ricane : "Tu m'as vendu, dit le suppôt de Satan, ce qui ne pèse rien et quitte ton corps sans que tu t'en aperçoives. Il ne s'agit pas de l'air que tu respires, mais de ton âme !".

    Le garçon, désespéré, rencontre Sainte Odile, la patronne de l'Alsace, et lui demande conseil : "Il n'y a qu'une solution" indique la sainte ; "tu dois vouer ta vie terrestre à détruire, pierre par pierre, le château que le démon t'a construit. Peut-être échapperas-tu ainsi à la damnation". 

    Pierre par pierrre, Louis défait le donjon, les tours, les créneaux, les murailles de la forteresse. Il ne lui reste que la porte cyclopéenne à raser, mais il a maintenant cent ans. Il est épuisé. Il meurt sans avoir achevé sa tâche. On murmure que sainte Odile intercède auprès de saint Pierre et obtient que l'âme du repenti attende, au purgatoire, le temps qu'il faudra à la pluie, au vent et au gel pour firnir d'abattre la Porte de Pierre.

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  • En Armorique, l'Eau noire (le Dourdu) est un lieu mystérieux. La rivière coule dans une forêt de chênes, de pins et d'ifs centenaires. Sur sa berge, se dresse un manoir où habitent le seigneur du Dourdu et sa fille unique, Igilt, aux cheveux noirs et aux yeux verts comme la mer.

    Igilt est belle comme une nuit d'été, fière et ambitieuse.

    Son père lui cherche un mari modeste et bon époux. Igilt rêve d'un prince de Bretagne, d'Irlande ou d'Ecosse, d'un chevalier de la Table ronde, d'un paladin carapaçonné d'or. Elle fantasme sur une couronne de reine. 

    Lorsque, subjugué par sa beauté, un jeune homme qu'elle juge ordinaire tente de lui faire la cour, Igilt le conduit dans la forêt sur un sentier à la crête d'une falaise, au-dessus de la rivière. Elle montre l'abîme au prétendant et lui dit : "Si tu veux ma main, saute !". Le garçon plonge. Les tourbillons le prennent. Nul ne remonte jamais. 

    Igilt acquiert la sinistre réputation d'être la "fiancée des morts". Elle s'en moque. Elle est égoïste et insensible. Elle attend son chevalier.

    Un jour, sur la mer, s'avance un vaisseau dont le pavillon est noir. A la proue, se tient un chevalier en habit cousu d'or. Le vaisseau jette l'ancre, une barque remonte la rivière jusqu'au pied du château. Le voyageur n'est autre que le prince Ivor d'Irlande. Beau et puissant. A peine a-t-il aperçu Igilt qu'il en tombe amoureux. La réciproque est vraie. Cette fois, la jeune fille ne ferait pas grimper son prétendant sur la falaise. Elle ne lui demanderait pas de plonger. Elle l'épouserait.

    Or, une femme d'âge mûr, au visage ruiné par le chagrin, assiste au débarquement du navigateur. C'est la mère d'un des garçons qui se sont noyés par amour. Elle veut venger son fils. Elle réussit à parler en aparté au prince Ivor. Elle lui raconte qu'elle est sorcière ; et que, sous la falaise, là-bas, au fond de l'Eau noire, on trouve l'herbe de l'immortalité. Quiconque la cueille et en mange ne craint plus rien. Il suffit d'aller jusqu'à la crête et de sauter.

    Le prince croit la femme. Davantage encore, il obéit à ce désir obsessionnel de prolonger la vie. Ivor escalade la roche et se jette dans le vide. Il est englouti par les remous et disparaît dans les ténèbres de l'eau, sous les yeux horrifiés de la belle Igilt.

    La jeune fille mérite plus que jamais son surnom de "fiancée des morts". 

    Elle grimpe à son tour sur la falaise et saute. 

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  • Il est des monstres admirables, qui séduisent avant de mordre. Le serpent roi en fait partie.

    Le massif du Jura, près de Pontarlier, les fées possèdent leurs grottes, leurs fontaines, leurs maisons. Ces créatures jouent aux humains des tours parfois puérils, comme de voler les vêtements de celui qui se baigne. Elles peuvent se montrer plus cruelles. 

    Un jour, un homme suivit une fée ; au matin, on retrouva son corps sanglant cloué sur un arbre en forme de croix.

    L'eau du lac de Saint-Point est étrange. Les roseaux ondulent, la masse liquide se zèbre de moirures glauques. Sur la plage, un serpent colossal ondule vers l'eau, nage et plonge. C'est un monstre rampant, au corps gros comme le tronc d'un sapin. Il a la tête en triangle, la langue bleue et les crochets à venin démesurés.

    Tous les reptiles sont ici chez eux, mais le grand serpent du lac est leur souverain. Chaque printemps, lorsqu'il a mue, l'animal étincelle. Ses écailles rutilent. Ses yeux verts à la pupille verticale, fascinent. C'est alors qu'il tombe amoureux. Il se contorsionne et siffle quand paraît une femelle de son espèce. Les amours se consomment à l'abri des roseaux. 

    La couleuvre ou la vipère pond un oeuf unique, d'une taille exceptionnelle, et dont la coquille est d'or pur. Il s'agit d'un oeuf magique. Quiconque réussit à s'en emparer peut formuler un voeu et le voir aussitôt exaucé. 

    Le jeune Ferdinand a 20 ans quand il décide de tenter sa chance. Il est pauvre mais adroit ; il veut jouir de l'existence. Il espère être plus rapide que le monstre. C'est le printemps, les amours reptiliennes ont eu lieu, Ferdinand se cache dans les roseaux. Une couleuvre accouche. Un oeuf d'or s'extirpe de son cloaque et roule sur un lit d'algues et de sable.

    Le jeune homme guette l'instant propice. Le serpent roi se dirige vers le lac pour s'y baigner. Le garçon avance, le plus silencieusement possible, vers l'objet de sa convoitise. Il pose la main dessus, il le tient, il se lève, il veut courir : trop tard ! Au-dessus de sa tête, gigantesque et menaçant, le reptile dresse son cou rutilant, darde sa langue et ouvre une gueule écarlate, dans laquelle pointent deux crochets fatals.

    "Je voudrai que ce monstre tombe mort !" balbutie Ferdinand, terrorisé. Il a prononcé son voeu. L'oeuf d'or éclate entre ses doigts comme une bulle. Le jeune homme n'aura jamais ni la richesse, ni la puissance, ni plus d'amour que quiconque. Mais le reptile terrible s'affaisse, inerte et le garçon conserve son bien le plus précieux : la vie.

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