• Si, comme moi, vous ne pouvez trouver ce magazine parce que vous habitez en province (normalement diffusé uniquement aux UK et US), il est possible de le trouver à Paris ! (une amie de facebook l'a acheté pour moi et me l'a envoyé contre paiement). 

    Le magazine est en anglais (ce qui est normal vue qu'il ne devrait pas être diffusé normalement, à la base, en France).

    Je vais essayer de l'avoir régulièrement.

    N° Septembre/Octobre 2012

     


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  • Non loin de Mortagne-au-Perche, en pleine forêt, se dresse un calvaire, au carrefour de plusieurs chemins creux. On l'appelle "le calvaire des Trois-Croix". 

    Le monument a l'air solide, mais cela n'a pas toujours été le cas. Les croix, dressées sur un socle fait du plus fin et du plus velouté des schistes, se descellaient et menaçaient de s'écrouler.

    Un soir, le seigneur du château de Mortagne-au-Perche, nommé Bothon, passe à cheval devant les Trois-Croix. Il a avec lui son écuyer et son jeune page. Le maître est à la fois faible et vaniteux. L'écuyer, nommé Argal, le flatte, l'embrouille et donc le domine.

    "Maître, dit Agal : nous avons besoin de pierre de qualité pour la statue en pied que j'ai commandée, dont vous serez le modèle et qui fera votre gloire. Le socle de ce calvaire est superbe : prenons-le !" 

    - "Dieu vous garde !" s'écrie le page. "Ce serait un sacrilège !"

    Le seigneur et l'écuyer éclatent de rire. Le lendemain, des ouvriers brisent les trois croix et emportent sur une charrette le socle de schiste, dont le lustre semble si parfait qu'il en devient irréel et presque inquiétant. 

    Un coup de vent furieux, suivi d'éclairs et de craquements de tonnerre apparaissent. On présente la pierre à l'homme chargé de sculpter la statue du seigneur. A peine l'artiste a-t-il donné un coup de ciseau, qu'Argal se sent broyé par une affreuse douleur à la poitrine. Il essaie de rire mais son esclaffement s'étouffe dans ses poumons. Il tombe, les yeux révulsés, la bave aux lèvres.

    Un abîme s'ouvre sous son corps. On distingue, au fond du précipice où il s'enfonce, les flammes de l'enfer. 

    Le seigneur Bothon se sent mal à son tour. Il fait appeler un prêtre. Il a le temps de se confesser : les supplices infernaux lui seront épargnés mais un long purgatoire l'attend.

    La punition divine s'est abatue. Le jeune page convainc les gens du château de remettre la pierre sur le calvaire, et de dresser à nouveau les croix de Jésus et des larrons. Celles qu'on salue encore aujourd'hui.

    Le lourd socle de schiste oscille comme si, sous terre, quelqu'un voulait le soulever pour s'extirper du monde inférieur. Le curé de la paroisse enseigne que c'est l'âme du méchant écuyer qui tente de sortir de l'enfer en ébranlant le calvaire où le sacilège fut commis.

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  • Certains sites minéraux introduisent le voyageur dans un autre monde. Ce sont des passages vers des régions du mystère ou des temples d'ailleurs.

    Dans les Vosges, la Porte de Pierre fait partie de ces entrées secrètes. Cet arc de triomphe de grès rose ressemble à un monument édifié par un magicien de la montagne pour initier le voyageur à des rites secrets. On songe à une civilisation oubliée... On devient le héros d'une quête.

    Haut d'une dizaine de mètres, ce portique naturel paraît appartenir à un temple égyptien, inca ou aztèque. On pourrait y voir une trouée à travers les trois murailles de la cité perdue de l'Atlantide.

    Le géologue avance des hypothèses : la roche, la pluie, la neige, le gel et le vent jouent un rôle. 

    Il était une fois, dans la contrée, un grand seigneur qui possède un superbe château. Une bâtisse cyclopéenne. La porte d'entrée de l'édifice impressionne : les deux piliers sont hauts comme des sapins et larges comme des maisons. 

    Un jeune paysan, nommé Louis, fils d'un pauvre métayer, ne rêve que de richesse et de pouvoir. Il contemple le château du puissant seigneur avec envie. Il aimerait avoir le même ; en plus grand. Un jour qu'il ramasse du bois dans la forêt, non loin du rocher de Mutzig, il voit approcher un être à la bouche rouge, aux jambes velues, avec des sabots et des cornes de bouc.

    "Je te bâtis en une seule nuit le château dont tu rêves" dit la créature. "Je n'exige, en retour, que ce qui ne pèse rien en toi, et quitte ton corps sans que tu t'en aperçoive". "Tope là !" dit le garçon ; ce qui ne pèse rien, c'est l'air que j'inhale, et qui part de mes poumons lorsque j'expire".

    Le diable se met au travail pendant la nuit. Au matin, au sommet de la montagne de Mutzig, se dresse un château admirable et austère, dont les murs semblent des falaises et dont le donjon gratte les nuages. Le jeune homme en prend possession. Le diable ricane : "Tu m'as vendu, dit le suppôt de Satan, ce qui ne pèse rien et quitte ton corps sans que tu t'en aperçoives. Il ne s'agit pas de l'air que tu respires, mais de ton âme !".

    Le garçon, désespéré, rencontre Sainte Odile, la patronne de l'Alsace, et lui demande conseil : "Il n'y a qu'une solution" indique la sainte ; "tu dois vouer ta vie terrestre à détruire, pierre par pierre, le château que le démon t'a construit. Peut-être échapperas-tu ainsi à la damnation". 

    Pierre par pierrre, Louis défait le donjon, les tours, les créneaux, les murailles de la forteresse. Il ne lui reste que la porte cyclopéenne à raser, mais il a maintenant cent ans. Il est épuisé. Il meurt sans avoir achevé sa tâche. On murmure que sainte Odile intercède auprès de saint Pierre et obtient que l'âme du repenti attende, au purgatoire, le temps qu'il faudra à la pluie, au vent et au gel pour firnir d'abattre la Porte de Pierre.

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  • En Armorique, l'Eau noire (le Dourdu) est un lieu mystérieux. La rivière coule dans une forêt de chênes, de pins et d'ifs centenaires. Sur sa berge, se dresse un manoir où habitent le seigneur du Dourdu et sa fille unique, Igilt, aux cheveux noirs et aux yeux verts comme la mer.

    Igilt est belle comme une nuit d'été, fière et ambitieuse.

    Son père lui cherche un mari modeste et bon époux. Igilt rêve d'un prince de Bretagne, d'Irlande ou d'Ecosse, d'un chevalier de la Table ronde, d'un paladin carapaçonné d'or. Elle fantasme sur une couronne de reine. 

    Lorsque, subjugué par sa beauté, un jeune homme qu'elle juge ordinaire tente de lui faire la cour, Igilt le conduit dans la forêt sur un sentier à la crête d'une falaise, au-dessus de la rivière. Elle montre l'abîme au prétendant et lui dit : "Si tu veux ma main, saute !". Le garçon plonge. Les tourbillons le prennent. Nul ne remonte jamais. 

    Igilt acquiert la sinistre réputation d'être la "fiancée des morts". Elle s'en moque. Elle est égoïste et insensible. Elle attend son chevalier.

    Un jour, sur la mer, s'avance un vaisseau dont le pavillon est noir. A la proue, se tient un chevalier en habit cousu d'or. Le vaisseau jette l'ancre, une barque remonte la rivière jusqu'au pied du château. Le voyageur n'est autre que le prince Ivor d'Irlande. Beau et puissant. A peine a-t-il aperçu Igilt qu'il en tombe amoureux. La réciproque est vraie. Cette fois, la jeune fille ne ferait pas grimper son prétendant sur la falaise. Elle ne lui demanderait pas de plonger. Elle l'épouserait.

    Or, une femme d'âge mûr, au visage ruiné par le chagrin, assiste au débarquement du navigateur. C'est la mère d'un des garçons qui se sont noyés par amour. Elle veut venger son fils. Elle réussit à parler en aparté au prince Ivor. Elle lui raconte qu'elle est sorcière ; et que, sous la falaise, là-bas, au fond de l'Eau noire, on trouve l'herbe de l'immortalité. Quiconque la cueille et en mange ne craint plus rien. Il suffit d'aller jusqu'à la crête et de sauter.

    Le prince croit la femme. Davantage encore, il obéit à ce désir obsessionnel de prolonger la vie. Ivor escalade la roche et se jette dans le vide. Il est englouti par les remous et disparaît dans les ténèbres de l'eau, sous les yeux horrifiés de la belle Igilt.

    La jeune fille mérite plus que jamais son surnom de "fiancée des morts". 

    Elle grimpe à son tour sur la falaise et saute. 

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